![L'impossibilité d'hériter de gamètes L'impossibilité d'hériter de gamètes](medias/org-7/shared/11-630f26558619f.jpg)
L'impossibilité d'hériter de gamètes
Publié le :
31/08/2022
31
août
août
08
2022
Une protection particulière est accordée au corps humé par le droit français, après le décès, notamment par le principe de non-patrimonialité prévu à l’article 16-1 du Code civil, excluant toute considération économique.
Pour autant, et la gestation pour autrui figure parmi les exemples, ce principe ne tranche par de toutes les problématiques juridiques attachées à l’extra patrimonialité des « produits » du corps humain, à l’instar d’une récente décision de la Cour de cassation, au sujet d’un transfert de gamètes humaines.
En l’espèce, un homme décède à l’âge de 23 ans des suites d’un cancer, et avait de son vivant déposé des gamètes auprès du centre d’étude et de conservation des œufs et du sperme humain (CECOS).
La mère du défunt saisi alors le juge des référés du tribunal administratif, en vue d’obtenir l’exportation des gamètes vers un établissement de santé situé en Israël, mais sa demande est rejetée tout comme son recours formé devant le juge des référés du Conseil d’État et la Cour européenne des droits de l’homme.
Évoquant une voie de fait, c’est-à-dire la justification qu’une mesure prise par l’administration porte une atteinte grave à une liberté fondamentale, ici : la violation de l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales par la Cour européenne des droits de l’homme, selon lequel « Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ».
En réponse, l’établissement chargé de la conservation des gamètes, relevant de l’Assistance publique des hôpitaux de Paris, soulève une exception d’incompétence au profit de la juridiction administrative, ce à quoi répond favorablement la Cour d’appel qui considère que la demande tendant à la restitution des gamètes relève des prérogatives de la juridiction administrative et qu’aucune voie de fait ne pouvait donc être caractérisée.
Un pourvoi en cassation est toutefois formé par la mère devant laquelle elle soutient que les gamètes de son fils constituent un bien et qu’en refusant de lui restituer, l’établissement a commis une voie de fait en empêchant que soit exercée la volonté du défunt exprimée lors de son vivant quant à l’utilisation des gamètes.
Sa demande est fondée d’un point de vue juridique sur l’article 1er du premier protocole additionnel numéro 1 à la Convention européenne, dont l’alinéa premier dispose que « Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international ».
C’est justement en répondant à la question quant à savoir si les gamètes constituaient un bien au sens de la loi, que la Cour de cassation a rendu sa décision.
Sa décision en ce sens est sans équivoque : l’article 1er du protocole additionnel n°1 à la Convention européenne des droits de l’Homme, en ce qu’il garantit le droit au respect de ses biens, revêt une portée économique et patrimoniale, et dont la Cour européenne des droits de l’Homme avait par une décision relative à un embryon, exclut en ce sens l’application (CEDH, 27 août 2015, n° 46470/11, [GC], § 215).
Ainsi, la Haute juridiction considère que seule la personne peut disposer de ses gamètes, et que la liberté de procréer n'entre pas dans le champ de la liberté individuelle au sens de l'article 66 de la Constitution. Pour elle, les gamètes humaines ne constituent pas des biens au sens de l'article 1er du protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales.
Référence de l’arrêt : Cass. civ 1ère 15 juin 2022 n°21-17.654
Historique
-
Chèque falsifié et responsabilité de la banque : dernières précisions jurisprudentielles
Publié le : 13/12/2022 13 décembre déc. 12 2022Articles du cabinetEn matière d’émission et d’encaissement d’un chèque bancaire, toute personne...
-
Qu'est-ce qu'un mariage putatif
Publié le : 14/10/2022 14 octobre oct. 10 2022Articles du cabinetLe droit civil français reconnaît sous la notion de mariage putatif, la situa...
-
Le permis étranger prévaut-il en cas d'annulation du permis de conduire français ?
Publié le : 22/09/2022 22 septembre sept. 09 2022Articles du cabinetConduire en France avec un permis étranger en cours de validité et à conditio...
-
L'impossibilité d'hériter de gamètes
Publié le : 31/08/2022 31 août août 08 2022Articles du cabinetUne protection particulière est accordée au corps humé par le droit français,...
-
Infraction routière et confiscation du véhicule qui n'est pas la propriété du contrevenant
Publié le : 18/07/2022 18 juillet juil. 07 2022Articles du cabinetLa confiscation du véhicule constitue, en droit pénal français, une peine com...
-
Nom issu de la filiation : le choix sera libre à compter du 1er juillet 2022
Publié le : 21/06/2022 21 juin juin 06 2022Articles du cabinetLa loi du 2 mars 2022 relative au choix du nom issu de la filiation, introdui...
-
L'adoption de l'enfant par le conjoint
Publié le : 12/04/2022 12 avril avr. 04 2022Articles du cabinetDe nos jours, le modèle familial s’est éloigné de celui encore connu il y a q...
-
Changement de régime matrimonial et dissimulation de l’existence des enfants
Publié le : 14/03/2022 14 mars mars 03 2022Articles du cabinetPar défaut de choix préalablement à la célébration du mariage, et notamment p...
-
Le sort de la pension de réversion en cas de mariage putatif
Publié le : 07/02/2022 07 février févr. 02 2022Articles du cabinetL’article 147 du Code civil interdit la bigamie en France, c’est-à-dire le fa...
-
Le délit d'abus de faiblesse : caractérisation et sanction
Publié le : 11/01/2022 11 janvier janv. 01 2022Articles du cabinetLe délit d’abus de faiblesse consiste à se servir de la vulnérabilité d’une p...
-
La contestation de paternité ou de maternité
Publié le : 09/12/2021 09 décembre déc. 12 2021Articles du cabinetLa contestation de paternité ou celle de maternité constituent en réalité deu...
-
Pourquoi l'attribution automatique du nom du père suivi de celui de la mère est discriminatoire selon la CEDH ?
Publié le : 26/11/2021 26 novembre nov. 11 2021Articles du cabinetEn France, depuis la loi du 4 mars 2002 relative au nom de famille (n°2002-30...
-
Mariage et solidarité fiscale
Publié le : 28/10/2021 28 octobre oct. 10 2021Articles du cabinetLe Code civil fixe au sein de l’article 220 la solidarité des époux à l’égard...
-
Legs graduel : Rappel sur l’interdiction de vendre le bien légué
Publié le : 04/10/2021 04 octobre oct. 10 2021Articles du cabinetHériter ne signifie pas toujours qu’il soit possible de pouvoir faire ce que...
-
Créances nées avant le mariage : pas d'enrichissement sans cause lorsque la liquidation patrimoniale a autorité de la force jugée
Publié le : 25/08/2021 25 août août 08 2021Articles du cabinetLe prononcé d’un divorce implique la liquidation des intérêts pécuniaires ent...
-
Divorce et partage des biens
Publié le : 20/07/2021 20 juillet juil. 07 2021Articles du cabinetQuel que soit le motif du divorce, ce dernier une fois prononcé entraîne la l...
-
Bail et récupération des charges indues : dernières précisions jurisprudentielles sur le point de départ de la prescription
Publié le : 16/06/2021 16 juin juin 06 2021Articles du cabinetEn matière de location, il pèse sur le bailleur une obligation de procéder à...
-
Qu'est-ce que le droit de rétention ?
Publié le : 20/05/2021 20 mai mai 05 2021Articles du cabinetLe droit de rétention est le droit de retenir quelque chose, et plus particul...
-
Séparation de biens et récupération du capital personnel apporté pour le financement du logement familial
Publié le : 14/04/2021 14 avril avr. 04 2021Articles du cabinetLe régime de la séparation de biens entre époux s’avère être le plus protecte...
-
Résiliation du bail pour violence commise par un proche du locataire
Publié le : 16/03/2021 16 mars mars 03 2021Articles du cabinetLa loi impose au bailleur de garantir au locataire une jouissance paisible de...